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Comment les abeilles communiquent ?

Yves LE CONTE

Une journée dʼautomne riche dʼenseignement scientifique.


Yves Le Conte, Directeur de Recherche à lʼINRAE dʼAvignon, Directeur de lʼUnité de recherche Abeilles et Environnement, Animateur du Laboratoire de Biologie et Protection de lʼAbeille, nous fait lʼhonneur de sa présence ce samedi 19 novembre 2022.

Apiculteur amateur, auteur de nombreux ouvrages et de thèses, ce scientifique passionné et passionnant nous dévoile les secrets des différents moyens de communication au sein dʼune colonie dʼabeilles, la division des tâches et le rôle essentiel de chaque caste.
Nous pouvons observer cette communication des abeilles, grâce aux signaux tactiles : le frottement de leurs antennes, ou lʼéchange de nourriture, la trophallaxie.

Mais aussi grâce aux signaux vibratoires comme la danse frétillante des butineuses, expliquée par le professeur Karl Von Frisch, prix Nobel de physiologie et de médecine en 1973.
La communication la plus étonnante et complexe reste celle dédiée aux signaux chimiques, les phéromones, incitatrices et modificatrices des réponses physiologiques des abeilles et de leurs comportements. Nous pouvons facilement en observer leurs effets pour certaines :

La phéromone de Nasanov qui incite un comportement dʼappel à lʼouverture dʼune ruche, ou lors de lʼessaimage assurant la cohésion de lʼessaim en vol.
Enruchez cet essaim et vous verrez toutes ces abeilles qui battent le rappel devant leur nouvelle demeure !

La phéromone dʼalarme, libérée par les gardiennes qui recrutent ainsi des soldats pour renforcer leurs rangs en cas de danger.

La phéromone de reconnaissance des apparentés, faite de composés cuticulaires propres à chaque colonie, est observable par le comportement des gardiennes qui vérifient en permanence lʼidentité des abeilles entrant dans la ruche.


Dʼautres phéromones incitent et modifient la vie cachée de la colonie.

  • Les phéromones royales, phéromones mandibulaires de la reine, entre autres, qui provoquent :

> la cohésion de la colonie
> lʼattraction de sa cour
> lʼhinibition des ovaires des ouvrières
> lʼhibition de lʼélevage royal et de lʼessaimage

 

favorisent la production de cire et la construction des alvéoles dʼouvrières. Cʼest pourquoi nous observons les alvéoles de mâles aux pourtours des rayons de cire, là où cette phéromone est moins bien distribuée.
favorisent la copulation lors des vols de fécondation.

  • Les phéromones du couvain, esthers produits par les glandes salivaires des larves, manipulent chimiquement les ouvrières qui reconnaissent ainsi lʼâge des larves, leur caste, leurs besoins en nourriture, chaleur et hygrométrie. Cʼest ainsi que les ouvrières décident à quel moment operculer les cellules larvaires. Le couvain ouvert, par ses phéromones, inhibe aussi la création de cellules royales, stimule les glandes hypopharyngiennes des nourrices, inhibe lʼessaimage, inhibe les ovaires des ouvrières et stimule la récolte de pollens.
  • La phéromone des butineuses, oleate dʼethyl , retarde lʼentrée en butinage des nourrices, qui iront butiner plus tard et passeront plus de temps aux soins du couvain.
  • Lʼhormone juvénile, un des composé de lʼhemolymphe des jeunes abeilles, gère le développement comportemental des ouvrières adultes , ce que lʼon appelle le polyéthysme, et incite au butinage.

 

Ainsi nous comprenons mieux les mécanismes de cette régulation chimique admirable et fascinante.
Et le stress..?

 

Varroa arrivé en France dans les années 82/83, lʼapparition dʼespèces invasives, la destruction de la biodiversité, les changements climatiques…

Quels effets ont ces divers stress sur nos abeilles ? Peuvent-ils modifier les mécanismes de communication chimique, par des changements de la production des phéromones et des mécanismes de perception des abeilles ?

 

Par exemple , pouvons-nous espérer une sélection dʼabeilles naturellement résistantes au Varroa ? Nous observons certains comportements comme lʼépouillage, la désoperculation des cellules du couvain, la régulation de la température et du taux dʼhygrométrie des immatures, la propension à lʼessaimage….

Autant dʼactions collectives pour contrarier le développement du Varroa.


Et le changement climatique ?

Il est indéniable avec lʼobservation de lʼaugmentation des températures, de la fréquence des événements climatiques extrêmes, la modification des précipitations, et des saisons.

Les conséquences impactent la qualité et lʼabondance des ressources nectarifères et pollinifères, provoquent une désynchronisation avec lʼenvironnement, un hivernage pour nos abeilles moins évident et des interactions plus nombreuses avec les parasites.

 

Nous savons que les abeilles adaptent leur butinage aux conditions météo.


Un temps pluvieux empêche la rentrée de nectars et pollens.

Un temps trop sec diminue les ressources et augmente la recherche dʼeau et le travail de ventilation.

 

Dans tous les cas, un manque de pollens conduit invariablement à une diminution de lʼimmunité et donc à une fragilisation de nos abeilles. Effet néfaste au bon développement de la colonie.

Ainsi les pertes dʼabeilles actuelles montrent la fragilité des colonies.

 

Les changements climatiques agissent directement sur la biologie des abeilles et modifient lʼéquilibre entre nos abeilles, lʼenvironnement et les pathologies.

Le stress climatique se rajoute aux différents stress existants chez les abeilles.

 

Monsieur Le Conte nous rappelle lʼimportance de conserver des paysages variés, ponctués de haies vives,

abritant un écosystème primordial pour lʼéquilibre de nos abeilles, mais pas seulement !!

 

La plupart des colonies sont dans les mains des apiculteurs…. , mais…..

Et les autres espèces dʼabeilles ?

Il est décompté 20 000 espèces dans le monde, 1000 en France, dont 25 sous-espèces dʼapis mellifera, avec des écotypes adaptés à leurs biotopes.

Cʼest une évidence : lʼabeille locale sʼadapte mieux à son milieu !

Monsieur Yves Le Conte termine en disant :

« Les hommes ont modifié lʼenvironnement. À nous dʼagir! Aidons nos abeilles à sʼadapter. Soutenons lʼapiculture ! »

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